Et si l’émancipation de la femme passait avant tout par l’homme ? Loin de tous les clichés « anti-mecs », il existe indéniablement chez les féministes de la nouvelle école une grosse tendance à impliquer la gent masculine dans leurs actions. Il faut dire qu’eux-mêmes rougissent de moins en moins à l’idée de se proclamer féministes. Après tout, s’il s’agit de rééquilibrer les pouvoirs entre les sexes et de se libérer des stéréotypes, autant que tout le monde s’y mette ensemble, non ?
Parmi les indices qui ne trompent pas, un rapport publié en juin par le think tank de gauche Terra Nova. Sur le site, il est intitulé L’implication des hommes, nouveau levier dans la lutte pour l’égalité des sexes. A l’intérieur, une liste de propositions incitant à repenser la répartition des tâches ménagères et à associer davantage les hommes à la vie du foyer. Quand on sait que les femmes continuent d’assumer 80% du boulot à la maison, on se dit qu’en effet c’est par là qu’il faudrait commencer. Quand on sait aussi que le déséquilibre s’aggrave avec le nombre d’enfants, on se dit qu’il y a carrément urgence à « viriliser » la gestion de la famille, pour que les femmes ne soient pas éternellement préposées d’office à la sortie d’école, aux courses et au ménage. Parce qu’on a beau nous vendre de la desperate housewife glamour à la Mad Men, c’est beaucoup moins passionnant dans la vraie vie. C’est surtout totalement anachronique depuis que les femmes se sont massivement insérées sur le marché du travail, et préfèreraient, elles aussi, aller boire des coups avec les copines après le boulot plutôt que de donner le bain et préparer le dîner.
Pour sortir de ce schéma un brin archaïque, il existe heureusement plein de possibilités. A commencer par le congé de paternité rallongé, préconisé par Brigitte Grésy dans sa dernière publication. Cette inspectrice générale des affaires sociales, auteur de nombreux ouvrages sur le sexisme, a, elle aussi, publié au mois de juin un rapport dans lequel elle propose de créer un nouveau congé parental de huit semaines à répartir équitablement entre le père et la mère à la naissance d’un bébé. Globalement, elle encourage les entreprises à repenser la notion de virilité dans le travail, et à cesser de dévaloriser les salariés qui s’investissent dans leur vie de famille au détriment d’un certain carriérisme.
Car si les femmes souffrent des nombreux stéréotypes liés notamment à la maternité, on peut en dire autant des hommes, qui se sentent parfois enfermés dans un culte de la performance qui ne les satisfait pas, que ce soit dans la sphère intime ou dans leur vie sociale. Bien sûr, on peut argumenter que malgré leur malaise, leur statut reste toujours plus enviable que celui des femmes, qu’ils sont toujours mieux payés et plus souvent promus. Est-ce une raison pour ne pas entendre cette voix différente, souvent venue des jeunes générations, qui milite pour une redéfinition des rôles, y compris du côté des hommes ?
Antoine de Gabrielli, cofondateur de l’association Mercredi-c-Papa n’hésite pas à dénoncer un « plancher de verre », qui constituerait le pendant masculin du « plafond de verre » auquel se heurtent les femmes au fil de leur vie professionnelle. La pression sociale inciterait les hommes à consacrer le maximum de temps à leur employeur de peur d’être taxés de « manque d’ambition ». Et tant pis pour ceux qui aspirent à passer du temps à la maison : quand on est un homme, ça ne se fait pas. Eric Zemmour a beau répéter que la « dévirilisation » de l’homme moderne est en marche, il semblerait que l’entreprise continue au contraire d’encourager chez les hommes une virilité à l’ancienne.
Mais, et il faut s’en réjouir, il existe un réel frémissement au sein des nouvelles générations, que les associations commencent à mesurer. En 2009, l’INPES avait innové en lançant une campagne sur la contraception mettant en scène des garçons. Et posait la question: faut-il que les hommes tombent enceintes pour que la contraception nous concerne ? Pour la première fois le message n’était pas réservé aux femmes.
En impliquant les hommes dans des problématiques qui leur sont toujours restées étrangères (le plus souvent par manque d’intérêt, il faut bien le dire) la quête pour l’égalité et la mixité acquiert une dimension nouvelle, à laquelle les plus jeunes commencent à s’intéresser, contrairement aux idées reçues. Peut-être parce qu’ils sont un certain nombre à avoir été élevés par des femmes émancipées et/ou des papas divorcés, obligés de s’impliquer davantage auprès de leurs enfants… et qui ont aimé ça. Pour ces enfants devenus adultes, et pour leurs compagnes, l’égalité est dorénavant une évidence sur le papier. C’est sûrement un bon début pour essayer de l’appliquer dans les faits.
Myriam Levain
En même temps, vu les regards auxquels on peut être sujet si on se dit féministe, en tant qu’homme, c’est pas gagné. Et d’ailleurs les regards interloqués et/ou perplexes viennent autant des hommes que des femmes.
Dans l’excellent film « Deep end » qui date de 1970 et qui est ressorti au ciné il y a peu, on voit une campagne d’affichage disant justement « faut-il que les hommes tombent enceintes pour que la contraception nous concerne ? » !!
Je ne sais pas s’il s’agit d’une campagne qui a réellement existé ou qui a été créée pour le film…
Merci,
Si l’on doit se réjouir que des hommes tiennent haut le flambeau du féminisme, il est urgent, en matière familiale, que des femmes viennent défendre l’égalité des sexes et mieux que de basculer dans le masculinisme, prôner une égalité et le respect du droit des enfants (dont on ne compte, pour lesquels on ne compte pas encore d’enfantiliste.. )
http://affairesfamiliales.wordpress.com/2012/01/17/reponse-dun-homme-au-feminisme-lache/
Quand je constate que la Renaissance du « Quattrocento » a mis UN SIÈCLE ET DEMI pour faire sortir l’Europe de l’obscurantisme médiéval… je me dis qu’on n’est pas encore sorti-e-s de l’auberge ! ! !
Ayant été, dès le début des années 70, un des rares « mecs » à avoir participé activement aux fameuses assemblées —pourtant « publiques »— du MLF, alors naissant, à l’École des Beaux-Arts de Paris, je me rappelle avoir proposé que, parallèlement à un mouvement de libération des femmes, ce dont nos sociétés dites « évoluées » avaient désespérément besoin, c’était d’un mouvement de libération… DES HOMMES !
Sans une « révolution mentale », drastique et complète, des attitudes, soigneusement transmises de génération en génération, de nos contemporains de sexe masculin, on risque de s’enliser… au moins pire : dans une incompréhension déstabilisante pour tou-te-s, et au pire : dans une radicalisation des réactions « reptiliennes » de part et d’autre.
Traduction : la « guerre des sexes »… Quand on relit « Backlash », le livre de Susan Faludi (qui date pourtant de 1991 !), on voit bien que nous ne sommes toujours pas à l’abri des réactions régressives et agressives aux avancées sociales obtenues par le féminisme !