Marine Le Pen pourrait nous donner de grandes leçons de rhétorique. La candidate du FN est prête à tout pour séduire les femmes, même à revendiquer l’héritage féministe, en se réappropriant le discours et bien sûr en le détournant. Décryptage de la stratégie de « dédiabolisation »…
Marine Le Pen est une mère. Avant la campagne présidentielle, la présidente du FN restait discrète sur ses trois enfants et sur le reste de sa vie privée. Aujourd’hui, tout a changé. Celle qui prône l’arrêt total de l’immigration veut relancer la natalité. Et pour ce faire, elle a deux grandes propositions.
La première: le salaire parental. Il permet aux femmes de toucher pour leur deuxième enfant 80% du SMIC pendant trois ans et de continuer à le toucher quatre ans supplémentaires au troisième enfant. Le risque ? Renvoyer les femmes à la maison et les éloigner du monde du travail. C’est effectivement une méthode pour les pousser à… faire plus d’enfants.
La seconde: dérembourser l’IVG (actuellement remboursé par la sécurité sociale). Sa méthode: grignoter progressivement ce droit. D’abord, Marine Le Pen culpabilise les femmes qui y ont recours soi-disant pour leur « confort ». Pour ce faire, elle en appelle à » leur intelligence, et leur capacité de prévision » rappelant: « elles ont la possibilité d’éviter de tomber enceintes lorsqu’elles ne le veulent pas ». Ensuite, elle donne une analyse simpliste et tronquée de la réalité. Dans le monde de Marine Le Pen, les femmes qui ont recours à l’avortement se divisent en trois catégories: celles qui préfèrent favoriser leur confort personnel et qui utilisent l’IVG comme un moyen de contraception banal, celles qui ne peuvent assurer financièrement l’avenir de leur enfant, et enfin celles qui préférent avorter plutôt que d’abandonner leur enfant « dans un orphelinat »- d’où sa proposition d’adoption prénatale qui repose la question des mères porteuses et donne un statut au foetus et à l’embryon (et donc remet aussi en cause l’IVG). Dans tous les cas, les femmes sont coupables d’avorter.
On croyait Marine Le Pen différente de son père sur toutes ses questions, plus « ouverte », comme elle tente de le faire croire avec sa stratégie de « dédiabolisation ». Il n’en est en rien. En 2007, son père proposait s’il était élu de lancer un referendum sur le droit à l’avortement. Un programme et des propositions loin d’être féministes… Pourtant Marine Le Pen se plait à réutiliser les symboles, les modèles et le lexique des combats féministes. Elle prétend vouloir que les femmes aient un vrai « choix », celui de continuer ou pas leur grossesse. Un choix qui ne serait pas vraiment donné dans notre société qui encouragerait les femmes à avorter. Utiliser le mot « choix » n’est pas anodin. Bien au contraire. Dans les années 70, lors de la lutte pour obtenir le droit à l’avortement en France, les femmes qui se battaient exigeaient aussi d’avoir « le choix ». Aux Etats-Unis, les pro-choice, pro-choix en français, sont favorables au droit à l’IVG. En reprenant ce vocabulaire Marine Le Pen joue sciemment sur les mots et les concepts, pour apporter plus de confusion. Marine Le Pen veut faire croire qu’on décourage les femmes d’avoir des enfants. A l’écouter, on croirait même être dans une société où l’on force presque les femmes à abandonner leur grossesse. Le 5 avril au forum ELLE à Sciences po, elle a même cité en exemple Simone Veil pour justifier l’emploi de l’expression qu’elle affectionne particulièrement et qui fait bondir les féministes « l’IVG de confort ». Et lorsqu’on lui demande à quelle femme elle pensera le lendemain de sa victoire à l’élection présidentielle si elle est élue, elle répond… Olympe de Gouges, auteure de la déclaration de la Femme et de la citoyenne en 1789.
Aujourd’hui, plus de femmes semblent séduites par le discours de la présidente FN, une situation inquiétante. En France comme aux Etats-Unis, des groupes de pression conservateurs remettent toujours en cause l’IVG. Ces derniers mois, des prières ont été organisées devant certains hôpitaux parisiens où se pratiquent les IVG par des groupes anti-avortement. En dix ans en France, plus de 150 centres IVG ont fermé. En Europe, l’IVG n’est pas autorisé dans tous les pays, à commencer par Malte, en passant par l’ Irlande (possible seulement si la vie de la mère est en danger), ou encore Pologne (exeption cas de viol et d’anomalie du foetus). La France fait presque figure d’exception, car on oublie souvent que les droits ne sont jamais définitivement acquis…
Charlotte Lazimi
Je partage ton opinion et ça me donne la nausée lorsque je l’entend parler d’ « IVG de confort » et de droit des femmes dans la même phrase.
Sa stratégie de communication est malheureusement parfaite sauf que…
Elle qui annonce une France qui ne permet pas aux femmes de choisir, elle ne propose aucune solution de sensibilisation et d’éducation à la contraception aux jeunes adolescentes…. non, mieux vaut leur retirer les moyens d’avorter…
J’ai eu envie de lui envoyer un colis rempli d’aiguilles à tricoter et lui rappeler que c’était la solution avant la Loi Veil… mais sans doute répliquerait-elle que justement, ça relancera l’économie du tricot ! (oui je suis en colère… milles excuses)