« Le Loup de Wall Street » : un film misogyne ?

16 Jan
Le loup de Wall Street D.R

Le loup de Wall Street D.R

Le dernier film de Martin Scorsese est le carton de ce début d’année et promet d’être la star des Oscars, tant les critiques sont dithyrambiques. Pourtant quelques voix se sont élevées pour en dénoncer la misogynie et la représentation négative des femmes . Chez les martiennes, il y a débat.

Contre : un film par des hommes pour des hommes

Un personnage mégalo, entouré de potiches, dont le seul intérêt pour ce dernier est de « les baiser »: on est au paroxysme de la femme-objet. Tous les personnages féminins du film sont soit des prostituées, soit des épouses hystériques, c’est-à-dire des emmerdeuses. En bref, des femmes seulement utiles lorsqu’elles assouvissent les besoins des héros. A l’heure où des voix à Hollywood se font entendre pour déplorer l’absence dans les blockbusters de personnages féminins pertinents, on regrette que Martin Scorsese n’ait pas donné de consistance aux siens.

Celles-ci se font sauter dans les trois quarts des scènes dans lesquelles elles sont présentes. Et la liste est longue, de la fellation dans l’ascenseur, au plan à trois, en passant par les levrettes, les multiples orgies au bureau, ou encore les apparitions de femmes nues quand on peine à apercevoir un pénis. Cela dit, dans le film, une femme se détache du lot. Elle est trader et Jordan Belfort, le héros, lui rend un hommage appuyé pour mieux tirer la couverture à lui. Certes, elle ne dit pas grand chose, à part : »Merci. Je t’aime Jordan Belfort ». Mais nous aurions aimé en savoir plus sur cette mère célibataire, qui galérait avant de s’en sortir en entrant à Wall Street.

On a parfois l’impression que Martin Scorsese et Leonardo DiCaprio ne s’adressent qu’à un public masculin. Ils créent une connivence avec le personnage odieux de Belfort, qui n’est que dans la domination, notamment sexuelle. On est même gêné devant les scènes innombrables d’orgies, les coups que le héros porte à sa femme lorsqu’elle lui annonce qu’elle le quitte, ou encore cette scène irréaliste, où après une nuit de débauche, Belfort admire la vue impressionnante de la suite qu’il a louée , et où en passant, il attrape le sein d’une call-girl endormie. La grande classe. Le film manque cruellement de parti pris critique du réalisateur et des producteurs. Conséquence: les femmes en paient le prix.

Charlotte Lazimi

Pour : le reflet de héros masculins pathétiques

Ayant lu le procès en misogynie du film avant de le voir, je m’attendais au pire en matière de personnages féminins. En effet, peu de femmes à l’écran lors des scènes de boulot. Ce qui me confirme quelque chose que je savais déjà : dans les années 80 et 90, les salles de marché ne comptaient que très peu de femmes. Ces working girls appartenaient à la première génération de femmes accédant massivement aux études supérieures, et sans surprise, elles ont mis du temps à s’imposer en nombre dans des professions typiquement masculines telles que celles de la finance. Ce que filme Scorsese est d’ailleurs encore une réalité aujourd’hui : la finance reste un milieu tenu par les hommes, connu pour sa misogynie. Montrer cet univers testostéroné ne me semble pas être un parti pris macho, juste un postulat de départ inspiré de la vraie vie, que l’on cautionne ou pas cet état de fait. Que le réalisateur ait choisi de filmer Wall Street ne veut pas dire qu’il adhère à ses valeurs, au contraire.

Car dans ce milieu de beaufs incultes et drogués, les personnages féminins qui se détachent ne sont que les déclinaisons de leurs homologues masculins pathétiques. Aux hommes obsédés par le sexe, le pouvoir et l’argent répondent des femmes obsédées par le sexe, le pouvoir et l’argent. Seulement, SCOOP : le rapport de force n’est pas en leur faveur.

Oui, c’est dérangeant de voir pendant trois heures se succéder des femmes-objets se faisant sauter dans une voiture ou dans le lit conjugal, sans grande distinction les unes des autres. Les légitimes ne sont pas plus intéressantes que les prostituées et sont tout aussi vénales. Mais Scorsese semble nous dire qu’on a les femmes (et les hommes) que l’on mérite. Ces caricatures féminines, qui existent malheureusement dans la vie réelle et ont probablement inspiré le scénario, ne sont rien d’autre que les alter ego de leurs conjoints et ne servent qu’à refléter la vacuité de leur existence à eux.

Myriam Levain

4 Réponses vers “« Le Loup de Wall Street » : un film misogyne ?”

  1. U. granger janvier 16, 2014 à 5:31 #

    > Ces caricatures féminines, qui existent malheureusement dans la vie réelle et ont probablement inspiré le scénario, ne sont rien d’autre que les alter ego de leurs conjoints et ne servent qu’à refléter la vacuité de leur existence à eux.

    Sauf qu’on ignore ce que font ces personnes en dehors de ces scènes. Ces femmes ont certainement des existences en plus qu’une seule dimension, et existent (malgré tout) en dehors du regard des hommes. Là où le héros a droit à un portrait humain complet, les femmes ont droit à quelques secondes de cliché sans normalité alternative.

  2. Morgane Deslile janvier 16, 2014 à 7:15 #

    Moi aussi en voyant le film j’étais divisée : c’est une des principales raisons pour lesquelles je ne suis pas aussi enthousiaste que pas mal de critiques (la représentation des femmes finit par mettre mal à l’aise) mais je me dis « c’est peut-être justement pour souligner qu’il y a malaise ou refléter une certaine réalité misogyne ».

    Sauf qu’en y réfléchissant, les femmes ne sont pas tant que ça en-dehors des combines de Belfort mais le film les ignore et transforme leur rôle en celui d’objet.
    La première femme de Belfort a l’air très intelligente, si je ne me trompe pas, elle lui donne quelques conseils avisés pour débloquer des situations et l’épaule patiemment. Pourquoi la négliger autant au point qu’elle devient « la gentille épouse pas à la hauteur du succès du début de film? ».
    Ensuite, d’autres épouses semblent avoir des rôles actifs : celle qui fait passer l’argent en Suisse (mais qu’on nous montre surtout comme une bimbo avec des billet attachés sur son corps nu puis qui trompe son mari), la tante par alliance de Belfort (seul personnage féminin que Jordan semble respecter, mais elle aussi malgré son âge devient un objet de convoitise sexuelle pour le héros), la femme de son associé qui intervient trop souvent dans les moments délicats pour ne rien savoir mais qu’on dépeint surtout comme la rabat-joie de service…

    Bref, il y avait des femmes qui auraient pu tenir un autre rôle dans le film sans aller à l’encontre du scénario… mais la réalisation en a décidé autrement.

    Enfin, certaines scènes sont ambigües : quand la femme de Jordan lui annonce qu’elle le quitte, il sous-entend que c’est parce qu’il est ruiné. C’est une manière de la discréditer et de presque justifier qu’il se mette en colère contre elle, de lui donner de l’humanité à lui plutôt qu’à elle.

    Je ne sais toujours pas si le sexisme représenté était justifié mais je pense qu’il y a quand même quelques parti-pris qu’on peut questionner.

  3. Marcelle septembre 13, 2014 à 9:20 #

    en miroir, voyons ce que le film aurait pu être si les femmes avaient joué les rôles masculins du film :

    • NUAGE novembre 10, 2014 à 12:53 #

      C’est un faux débat, le LOUP DE WALL STREET est une histoire vraie !
      Je le sais pour avoir lu l’autobiographie du même nom de Jordan Belfort (un pavé énorme mais captivant)

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