Aux Etats-Unis, le mot « féministe » n’est pas tabou. Si de nombreuses personnalités le revendiquent, Meryl Streep, pourtant connue pour son engagement à Hollywood, a récemment botté en touche. L’actrice trois fois oscarisée, interviewée par le magazine Time out, a refusé de se définir ainsi, préférant rétorquer: « Je suis humaniste ». C’est d’autant plus étonnant qu’elle est l’affiche du film Les Suffragettes – sortie prévue en France le 18 novembre prochain – qui relate la lutte des Anglaises pour conquérir le droit de vote. Un combat féministe s’il en est. Que se cache-t-il derrière cet argument : l’humanisme plutôt que le féminisme ?
D’abord une confusion. L’idée que l’humanisme favoriserait l’humain, et le féminisme les femmes. L’idée que l’un serait universel, et le second diviserait les sexes. C’est méconnaitre la définition du féminisme, qui rappelons-le est la recherche de l’égalité femme/ homme. Surtout, le féminisme encourage la création d’une société juste, où chacun et chacune auraient des opportunités équivalentes et un seul salaire à compétences égales.
Depuis que les femmes réclament le droit d’aller à l’école et à l’université, de voter, d’avoir un compte en banque et de travailler sans l’autorisation de leur mari, bref de penser par elles-mêmes, les anti-féministes ont utilisé une stratégie : décrédibiliser leurs revendications. Au XIXe siècle, certains s’interrogeaient sur l’absence de capacités intellectuelles du cerveau dit « féminin ». Pour certains, beauté et intelligence ne pouvaient tout simplement pas cohabiter. Le droit de vote des femmes en France a aussi longtemps été repoussé, car on les pensait trop influençables. Les Radicaux, force politique majeure pendant la Troisième République, craignaient qu’elles ne subissent l’influence de l’église et donc de leur curé en votant. Autre injustice: les salaires. Au XIXe siècle, les femmes gagnaient 20%, 50%, 70% et parfois 100% de moins que les homologues masculins. Pour justifier cette différence de salaire, on estimait qu’elles avaient besoin de « moins de nourriture », « qu’elles étaient moins compétentes ». L’économiste Rachel Silvera note dans son ouvrage Un quart en moins que 56 grèves ont été recensées par la sociologue Madeleine Guilbert, menées…. par des hommes pour protester contre le travail de ces dernières entre 1890 et 1908 !
Aujourd’hui, les défis, notamment en France, restent de taille : accès à l’IVG sur tout le territoire, égalité salariale, plafond de verre, représentation politique, lutte contre les violences conjugales ou le harcèlement de rue. La force des mouvements anti-féministes, incarnés, par exemple par Eric Zemmour et les masculinistes, c’est d’avoir réussi à rendre le mot impopulaire, à en déformer le sens. Au point, qu’ Adèle Haenel mise à part, des actrices françaises en comprennent mal le sens, de Marion Cotillard, qui confond féminisme et sexisme, en passant par Maïwenn qui pense que c’est un extrémisme, sans oublier Sandrine Bonnaire ou encore Isabelle Huppert. Leur erreur est préjudiciable. Ces dernières pensent à tort que féminisme favoriserait les femmes au détriment de ces messieurs. C’est d’autant plus étonnant qu’elles sont les premières victimes du sexisme à Hollywood et dans le cinéma français : en effet, elles n’ont pas des salaires égaux, ou autant de récompenses que les acteurs et réalisateurs, et sont jugées fanées à 37 ans par la profession. Donc Meryl Steep, le féminisme est bien un humanisme. Il serait temps de l’assumer une fois pour toutes.
Charlotte Lazimi
Je ne trouve pas ça forcément très grave : dans la mesure où cette actrice s’engage pour l’égalité F-H, on s’en moque un peu de savoir quel nom elle met sur son engagement. Certes, c’est vrai que préférer le mot « humaniste » revient à faire perdurer les clichés sur le féministe…
Mais l’important, ce n’est pas le mot féminisme, c’est les combats et les objectifs qu’il y a derrière.
Ce que je veux dire, c’est que ce n’est pas le fait de se déclarer féministe qui va permettre l’accès à l’IVG, l’égalité salariale et le reste… Mais c’est bien les combats concrets pour l’égalité. Et cette actrice, par ce film sur les suffragettes qu’elle a choisi de faire, participe de ces combats concrets… C’est un peu dommage qu’elle n’associe pas ça au féminisme mais ça m’apparait comme vraiment secondaire, non ?
Peut-être. Mais ne pas assumer le mot ne nous parait pas être un bon signal. C’est encore une façon de stigmatiser le combat des femmes.
Le feminisme n’est pas un combat de femmes, ni un combat pour pour les femmes. C’est une lutte pour une pure égalité. Personnellement je me sens féministe, pas millitante mais profondément féministe idéologiquement parlant et en tant qu’étudiante en fac de Lettres, le mot « féminisme » devient clairement un mauvais choix de terme puisqu’il semble préconiser le pouvoir/la protections des droits de femmes. Et c’est uniquement parce que notre société est patriarcale que le mot passe . Eh bien oui, dans une société où les hommes sont clairement dominants, le féminisme incarne l’égalitarisme ou plutôt l’antisexisme qui est le but commun des féministes du monde tel qu’il a été et tel qu’il est encore. Selon moi le terme féminisme est un mauvais choix et je comprends donc la réticence de l’utiliser alors que d’autres mots semble plus adaptés (humanisme, égalitarisme, antisexisme…) puisqu’ils incarnent totalement l’égalité désirée. Maintenat je dois admettre que Meryl Streep joue sur les mots ou méprise la définition du féminisme mais il faut admettre qu’intrinsèquement ce petit mot ne facilite pas la compréhension et l’identification des autres genres à la cause. Soit dit en passant, ce film est selon moi une bouse larmoyante, Helena B. Carter relève légèrement le niveau mais le film reste lent, ennuyeux, un peu répétitif sur certaines scènes et n’apprend malheureusement pas grand chose sur les suffragettes.