Les femmes sont des politiques comme les autres

26 Mar
capture d'écran

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C’est une première. Dans deux grandes villes, Paris et Marseille, des femmes en position de remporter la ville sont en lice: Anne Hidalgo et Nathalie Kosciusko-Morizet pour Paris, et Marie-Arlette Carlotti pour Marseille. Est-ce si incroyable en France? Oui et Non. Oui dans les deux plus importantes villes de France. Non car des femmes dirigent ou ont dirigé des villes de plus de 100.000 habitants depuis 1989.

On ne peut le nier, si Paris et Marseille, sont remportées par une femme politique, ce sera inédit en France. Pourtant, des femmes sont devenues maires de grandes villes depuis près de 30 ans. Ce fut le cas de Catherine Trautmann, première femme maire d’une ville de plus de 100.000 habitants de 1989 à 1997 et de 2000 à 2001. Fabienne Keller, lui a ensuite succédé de 2001 à 2008. Et aujourd’hui, Martine Aubry est maire de Lille (plus de 227.000 habitants), Adeline Hazan de Reims (180.000 habitants), Maryse Joissains-Masini d’Aix-en-Provence (près de 150.000 habitants) depuis 2001, Marie-Josée Roig dirige Avignon (près de 90.000 habitants) et Martine Lignière Cassous est à Pau (près de 82.000 habitants).

Une dimension féminine?

Pourtant, la perspective d’une victoire d’une femme politique pour prendre les mairies de Paris et Marseille suscitent des interrogations inattendues chez certains journalistes. En février dernier, Patrick Cohen a reçu comme invitée de la matinale de France Inter, Nathalie Kosciusko-Morizet. Une interview compliquée pour ce dernier. Pourquoi? Tout simplement parce que Patrick Cohen se demandait si NKM allait mettre en avant « sa dimension féminine » pendant la campagne:

« Le prochain maire de Paris sera une femme. On peut le dire sans grand prendre de risque de se tromper, sans vexer grand monde: Anne Hidalogo, Rachida Dati,  Marielle de Sarnez, peut-être Cécile Duflot, vous-même. C’est une dimension importante qui compte à vos yeux? », interroge-t-il.

« Je rêve du jour ou recevant un invité le matin, vous lui direz: « Alors, il se prépare un combat d’hommes?« , répond visiblement agacée Nathalie Kosciusko-Morizet, avant d’ajouter: « Oui mais c’est malheureusement original ou rare dans la politique française. J’espère qu’un jour cela deviendra commun« .

Mais Patrick Cohen insiste: « Ma question est simple: est-ce que vous ferez campagne sur cette dimension féminine ou pas, parce que vos adversaires sont des femmes?« . Difficile de ne pas s’interroger. Qu’est-ce que la dimension féminine? Cela sous-entend-t-il qu’une femme politique serait plus douce, plus compatissante qu’un homme politique ou plus compétente ou moins active?  La réponse fut aussi cinglante que pertinente: « Vous savez quand vous êtes une femme, vous avez l’habitude d’être une femme. Il n’y a que pour vous que c’est surprenant Patrick Cohen« . Pourquoi ça nous gêne ? Car évoquer « la dimension féminine », c’est une façon de ne pas parler du fond,  et de sans cesse ramener Nathalie Kosciusko-Morizet au fait qu’elle est d’abord une femme, avant d’être une personnalité politique de premier plan.

Mais France Inter n’est pas le seul média à être déstabilisé par ces candidatures en mesure de gagner. Le Nouvel Observateur a aussi fait sa une de la semaine dernière sur le duel Hidalgo/NKM et lui consacre un dossier. Dans l’article « Le Duel », le journaliste écrit « entre la brune de Cadix et la blonde de Longjumeau, la bataille s’annonce sans pitié« , des expressions inattendues dans un papier politique. Car on se réfère rarement aux hommes politiques, par « le brun » ou le « chauve », « le petit » ou encore le « grand », tout comme on s’intéresse plus aux tenues des femmes politique qu’aux cravates ou costumes de leurs collègues. Autre maladresse, le journaliste parle de « duel de femmes comme on dit un match d’hommes« . Hors, souvent ce ne sont que des match d’hommes et rares sont les fois où on le fait remarquer.

Si ces candidatures sont rafraîchissantes et annoncent un vrai changement dans la politique française, quinze ans près le vote de la parité, les médias rappellent parfois que les femmes restent des ovnis en politique, à qui l’on ne peut se demander d’empêcher ce qu’elles font là.

Charlotte Lazimi

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