La grande méchante horloge biologique

31 Juil
l'horloge biologique n'a pas de sexe

Crédits Flickr CC MuseumofHartlepool

Quand on était petites et qu’on voulait nous faire peur, on nous expliquait que le grand méchant loup viendrait nous manger. Maintenant qu’on a la trentaine, il existe un truc bien pire que les loups et les sorcières: il y a l’horloge biologique.

Eh oui, le lendemain de notre trentième anniversaire, il est prévu qu’un mystérieux mécanisme prenne possession de notre rationalité de femmes et sème la panique en nous, résumant notre vie à une obsession : enfanter. Bah oui, à trente ans, il ne nous reste plus que dix ans avant d’en avoir quarante. Et à quarante ans, nos petits ovules commencent à être fatigués. Quarante ans= bientôt la ménopause, donc 30 ans= gros stress ? Il y a comme une faille spatio-temporelle dans cette démonstration. Il y a surtout un truc qui m’échappe, c’est qu’il m’avait semblé qu’à un moment le papa mettait sa petite graine quelque part. Je ne comprends donc pas pourquoi seule la maman se taperait tout le stress du temps qui passe. Parce que oui, d’accord, à partir de 40 ans, les femmes accusent une baisse de fertilité et voient se profiler l’arrêt total de leur production d’ovules. Mais si les hommes produisent des spermatozoïdes toute leur vie, on ne leur rappelle jamais que leurs chances d’avoir un enfant dans les six mois baisse de 2% chaque année à partir de 24 ans, et que les chercheurs commencent timidement à parler d’horloge biologique masculine. Sans compter que s’enquiller des nuits de trois heures et Bob l’Eponge en boucle ne fait pas plus rêver les mecs quinquas que leurs copines.

Une fois la vigueur de la vingtaine passée, en voyant la quarantaine s’approcher de loin, il semble donc assez logique qu’un homme veuille lui aussi « passer la seconde » et faire des enfants. En effet, la trentaine est dorénavant reconnue comme la décennie où l’on commence à construire sa vie personnelle, que l’on soit homme ou femme.

Pourtant, c’est aux femmes que l’on assène régulièrement le coup de l’horloge biologique. Passés trente ans, tout peut se résumer à ça. Une amie relou ? L’horloge. Une collègue stressée ? L’horloge. Une voisine hystérique ? L’horloge. D’ailleurs, il ne manquait qu’à toutes ces femmes angoissées un petit laïus sur le temps qui passe, les regrets et l’amertume qui les guettent si elles ne font pas le bon choix. C’est vrai, elles n’ont pas assez de raisons de culpabiliser, autant leur rappeler qu’elles seront bientôt périmées. Une vérité qui reste d’ailleurs toute relative, comme le pointait récemment The Atlantic.

L’horloge biologique ne serait-elle pas juste une forme de pression supplémentaire, mentale et sociale, consistant à sans cesse ramener les femmes à leur statut de mère, passage soit-disant inévitable de l’accomplissement féminin ? Quid de toutes celles qui ont délibérément fait le choix de ne pas l’être et ne sont pas rongées par le regret? Avaient-elles un défaut de fabrication pour ne pas être dotées de cette fameuse horloge censée s’activer invariablement ?

C’est aussi dénier cet instinct naturel à des pères, qui, s’ils ne portent pas de bébé pendant neuf mois, participent quelque peu à sa fabrication. Si instinct maternel il y a, pourquoi n’y aurait-il pas d’équivalent masculin ? L’être humain n’est-il pas un mammifère comme les autres, mu par son instinct de reproduction quel que soit son sexe ? D’ailleurs, il est intéressant de noter qu’on parle de biologie pour les femmes alors qu’il s’agit du sexe dont l’orgasme n’est pas lié à la reproduction. Seule la jouissance masculine est liée à la procréation puisqu’un orgasme masculin débouche sur une éjaculation. Il semblerait donc bien plus pertinent de parler d’instinct paternel et de mécanisme biologique quand le plaisir sexuel est indissociable de la possibilité d’enfanter.

Mais non, l’horloge biologique reste cette invisible menace qui pèserait sur les femmes uniquement.  A force de s’entendre répéter que l’heure tourne et qu’elles feraient bien de se dépêcher, elles hiérarchisent très jeunes leurs priorités et commencent à paniquer bien avant l’heure: jusqu’à 35 ans, il n’existe pas de problème de fertilité particulier. Difficile à dire d’où sort ce fameux cap de la trentaine. A moins que cette horloge-là n’ait rien de biologique et soit purement sociale.

Myriam Levain

5 Réponses to “La grande méchante horloge biologique”

  1. Oriane août 2, 2013 à 3:25 #

    Je trouve intéréssant et tout à fait pertinent de montrer la différence de pression à la procréation entre les femmes et les hommes mais je suis gênée par cette affirmation : « Seule la jouissance masculine est liée à la procréation puisqu’un orgasme masculin débouche sur une éjaculation ». Il me semble en effet que l’orgasme masculin n’est pas systématiquement lié à l’éjaculation, et qu’il peut y avoir éjaculation sans orgasme et orgasme sans éjaculation.

    • Bernard août 2, 2013 à 10:32 #

      Certes, mais cela reste rare.

  2. Claire août 8, 2013 à 8:55 #

    « D’ailleurs, il est intéressant de noter qu’on parle de biologie pour les femmes alors qu’il s’agit du sexe dont l’orgasme n’est pas lié à la reproduction. »
    Et bien si, l’orgasme féminin entraîne des contractions du vagin et aide les spermatozoïdes à mieux remonter ce long chemin semé d’embûches.

    • Nathalie février 28, 2014 à 11:20 #

      Oui bien sur, il est admis que les contractions vaginales lors de l’orgasme féminin peuvent faciliter le parcours ascendant des spermatozoïdes. Mais ceci n’est pas une condition nécessaire à la fécondation et donc à la reproduction ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! !

      L’organe féminin du plaisir sexuel et de l’orgasme est le clitoris.
      C’est en 1876 qu’Oskar Hertwig et Edouard VanBeden ont observé au microscope la pénétration du spermatozoïde dans l’ovocyte (ou ovule), et ont donc montré que la procréation procédait uniquement de la rencontre du spermatozoïde et de l’ovocyte.
      Cette découverte scientifique clôt alors le débat qui durait depuis le début du XIXème siècle : l’orgasme féminin n’intervient pas dans la procréation et n’augmente pas la fertilité de la femme !
      Cette révolution va en réalité entrainer une terrible involution pour le clitoris et le plaisir féminin.
      (Source : La fabuleuse histoire du clitoris de Jean-Claude Picquard)

      Alors chère Claire, l’auteur de l’article Myriam Levain a parfaitement raison de dire que « D’ailleurs, il est intéressant de noter qu’on parle de biologie pour les femmes alors qu’il s’agit du sexe dont l’orgasme n’est pas lié à la reproduction. »

  3. Dave R bio août 12, 2015 à 11:04 #

    Il est vrai que les femmes sont socialement bien plus sous pression que les hommes en ce qui concerne l' »horloge biologique ». Cependant, mettre andropause et ménopause sur le même plan n’est pas excessivement pertinent pour plusieurs raisons :
    – La décroissance de fertilité survient plus tôt chez les femmes que chez les hommes, et elle se fait de façon bien plus brutale et rapide : même si l’écart entre andropause et ménopause n’était que de 5 ans,
    – le nombre de gamètes produit par les hommes est bien plus élevé que celui produit par les femmes : même si la qualité du sperme décroît avec l’âge, la quantité de gamètes produite est énorme avec un nombre non négligeable de spermatozoides potentiellement fécondants : certes, il y en a moins, mais on parle de millions de spermatozoides, dont un seul seulement va féconder un ovule, contre un ovule par mois. Dans une course avec un seul gagnant, passer de 200 à 100 coureurs peut avoir un impact, mais il reste relativement plus limité.
    – Un point qui est vrai cependant, l’andropause est souvent minimisée par les hommes, alors qu’il est connu que les enfants issus d’hommes de plus de 40 ans ont plus de risque de maladies génétiques que les enfants d’hommes plus jeunes.

    De plus, la plupart des sociétés se soucient de leur renouvellement, or les femmes sont la clé et le facteur limitant de la fécondité : un homme qui n’a pas d’enfant, après tout quelle importance, il peut être facilement remplacé par un autre ; chaque femme est essentielle pour le renouvellement des générations.

    Enfin, le fait que les femmes portent les enfants rend inévitablement les problèmes de reproduction plus liées à elles qu’aux hommes dans l’imaginaire collectif. C’est injuste, et il est évident que sensibiliser les hommes aux problèmes de reproduction est essentiel, mais il est vrai que cela est plus difficile.

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