Pourquoi France 2 s’obstine à célébrer LE grand pâtissier ?

2 Juil
Ophélie Barès, meilleure pâtissière 2014 @France2

Ophélie Barès, meilleure pâtissière 2014 @France2

La semaine dernière, France 2 achevait la seconde édition de son émission culinaire Le Grand Pâtissier. Le principe est exactement le même que pour Top chef. A une différence près. Les candidats se battent pour obtenir un titre, pas celui de chef, mais « de grand pâtissier ». Jugé par une pléiade des meilleurs de leur catégorie, ils sont évalués pendant ces quelques semaines sur leurs pâtisseries de très haut niveau. Pourquoi parler d’un grand pâtissier, quand deux femmes ont remporté le titre ?

Elles sont deux, Audrey Gellet et Ophélie Barès à avoir remporté les deux concours. Pourtant, lors de la remise de titre, les deux fois, en 2013 et en 2014, la scène est absurde. La présentatrice, Virginie Guilhaume, s’obstine à parler d’UN grand pâtissier. Est-ce si compliqué de parler de grande pâtissière ? Vous allez penser que c’est un détail, que je pinaille pour pas grand-chose. Est-ce vraiment impossible de parler au féminin ? Le masculin n’est pas neutre ou universel. Il est masculin. Pourquoi cela me tient tant à cœur ? Parce que tout masculiniser a des conséquences inattendues. Dans l’imaginaire collectif, cela signifie qu’un grand pâtissier est forcément un homme, que ce métier est forcément masculin. Ce principe n’est pas faux. Au regard de l’émission, il y a plus d’hommes que de femmes, à la fois pour les candidats comme pour leurs juges. En revanche, l’émission nous montre que tout évolue et que les femmes comptent et prennent leur place, voire la première place. Pourquoi ne pas le reconnaître ?

Lorsqu’on écoute les femmes chefs, elles disent toutes la même chose. Contrairement à ce que d’autres répètent à l’envi, elles ne font pas une cuisine « féminine » ou « masculine », mais leur cuisine. Amandine Chaignot, jurée de Master Chef, à la tête des cuisines du Raphaël, insistait sur ce fait : « Le clivage masculin/féminin n’existe pas et m’agace, a-t-elle lâché. Je ne fais pas une cuisine féminine, mais de sensibilité différente ». Sans langue de bois, elle parlait de la misogynie dans le monde de la cuisine. En 2014, le guide Michelin gratifiait 16 femmes de ses étoiles. Cela fait peu sur 610 restaurants. Pour l’émission Le Grand Pâtissier, France 2 a peut-être déposé sa marque, son hashtag sur Twitter et serait dans l’impossibilité de changer sa formulation. C’est possible, mais vraiment dommage de ne pas avoir imaginé que des femmes puissent remporter à deux reprises l’édition. Espérons que la troisième édition ne reproduira pas les erreurs du passé. Surtout, ce n’est pas la première fois, que l’émission est remise en cause pour ces raisons. En 2013, elle avait été critiquée pour ses propos sexistes. Au-delà de l’absence de parité de son jury, les juges avaient utilisé de nombreux stéréotypes sur les filles et les garçons, avec par exemple: « Les filles aiment les coccinelles » et « les garçons préfèrent les dinosaures », ou encore «dans cette crème chantilly, j’ai senti une touche féminine ». Des préjugés classiques, qui mettent filles et garçons dans des cases. Aux filles, les jolies petites choses, et aux garçons celles qui sont terrifiantes et pleines de force… A l’heure où le gouvernement est revenu sur l’ABCD de l’égalité qui luttait contre ce genre de stéréotypes, il serait peut-être utile d’ organiser ces formations pour certaines émissions du PAF.

Charlotte Lazimi

4 Réponses to “Pourquoi France 2 s’obstine à célébrer LE grand pâtissier ?”

  1. tchingtchang juillet 4, 2014 à 2:22 #

    pour info, en Français, on le « neutre » est le masculin ; LE patissier désigne la fonction, sans se préoccuper de son sexe..

    • Les Martiennes juillet 7, 2014 à 9:48 #

      C’est bien dommage. C’est ce que nous expliquons. Le masculin ne devrait plus être neutre, car il ne l’a jamais été. La langue française devrait continuer à évoluer.

    • berzingh juillet 16, 2014 à 5:40 #

      Ben voyons. C’est pour ça qu’on parle de « la maîtresse » même si on ne connaît pas son sexe, tout comme « la secrétaire » ou « l’infirmière ». C’est marrant comme dans les professions traditionnellement féminines, tout d’un coup, le masculin n’est plus le neutre.

  2. florence juillet 17, 2014 à 12:42 #

    un bouquin très instructif trouvé sur le site des éditions Ixe « non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin ! » . En effet, le masculin n’a pas toujours été « neutre », et la langue française est devenue misogyne à partir du 18e siècle par la volontés de quelques uns… La règle dite « de proximité », qui permettait de dire et d’écrire « les hommes et les femmes sont belles » a bel et bien été supprimée par mépris des femmes !!!

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