L’invitée des Martiennes #2: La critique macho de « The Americans » dans GQ

28 Jan
The American GQ D.R.

The Americans GQ D.R.

Nouvelle invitée des Martiennes cette année: Aurélie Corbin, spécialiste de séries TV. Elle décrypte pour nous un article de GQ sur la nouvelle série d’espionnage en vogue « The Americans » avec Keri Russel et Matthew Rhys. Sexiste ou pas ?

Entre bon nombre de hashtags et de Follow Friday, un article attire mon regard dans ma timeline Twitter : « Keri Russell Gives Matthew Rhys a lapdance in GQ ». L’image qui accompagne le tweet est plutôt explicite, puisqu’on y voit Keri Russell chevaucher sa co-star en lingerie ultra sexy… Déjà, je fronce les sourcils : encore une fois, dans un duo, c’est la femme séductrice qui est mise en avant, assouvissant le fantasme de la femme dominatrice. Certes, il ne fallait pas attendre autre chose de GQ, connu pour mettre en avant des femmes sexy (les « babes de l’année ») juste à côté des conseils pour faire un nœud de cravate élégant…

Avant de crier au loup, mieux vaut donc lire l’article complet. Qui n’est pas beaucoup mieux. Au bout de trois lignes à peine, on apprend que Keri gifle sa co-star dans la série The Americans, (dont la deuxième saison devrait débuter en février), pour s’assurer qu’il soit dans l’ambiance pour sa scène. Keri Russell, une femme forte et autoritaire ? Peut-être est-ce pour cela que sur la première photo de l’article, elle domine Matthew Rhys, sa jambe, vêtue d’un bas et d’un escarpin, levée contre le mur (sic). Alors que Matthew Rhys se la joue gentleman en smoking, l’actrice doit encore une fois se vendre en petite tenue. Certains diront qu’au contraire, cela prouve que les femmes prennent le pouvoir : oui, mais pourquoi le faire à poil ?

Et ne parlons même pas de ce que le journaliste préfère retenir de son interview avec Keri Russell : « J’adore le fait qu’elle [son personnage] soit une mère qui n’arrive pas toujours à tout faire bien. À un moment, elle fait un sandwich à ses gamins, et la minute d’après, elle fait une fellation à un mec dans un hôtel pour un renseignement… ». Tiens, le voilà de nouveau, le fantasme de certains hommes : oui, il faut que la femme soit cochonne et sexuelle, mais tout en étant une mère de famille exemplaire, s’il vous plaît. Fallait-il vraiment résumer le personnage d’Elizabeth ainsi, lui qui est pourtant si complexe ? Car le problème est là : pour parler d’un thriller haletant, intelligent et délicieusement vintage, GQ a préféré mettre en avant les performances sexuelles de l’espionne, prête à toutes les gâteries pour obtenir des renseignements top secrets. Pourquoi ne parle-t-on pas des gens qu’elle tue pendant ses missions ?

Pour être honnête, de The Americans, je ne connaissais que le pilote, vu lors de sa sortie aux Etats-Unis. Et après un tel article, j’étais un peu refroidie à l’idée de m’y remettre. S’agissait-il vraiment d’une série « pour les hommes » comme le dit elle-même Keri Russell ? « Il y a beaucoup d’action, certainement beaucoup de seins ou de culs dévoilés. Mais il y a un côté thriller psychologique qui devrait attirer les femmes. » Mesdames, nous voilà sauvées : du cul pour ces messieurs, une intrigue haletante pour nous. Cette fois-ci, même les hommes en prennent pour leur grade, réduits à des êtres aspirants seulement à voir du topless à l’écran (et rassurez-vous, l’industrie veille à leur en donner).

Mais après trois autres épisodes regardés dans la foulée, je suis rassurée : une seule scène de sexe, et au contraire, il s’agit alors de Matthew Rhys, prouvant que lui aussi, il est prêt à tout pour obtenir de précieuses informations. Peut-être que les prochains épisodes sont plus sexualisés et que Keri Russell est obligée de donner quelques faveurs sexuelles dans des missions, mais de là à réduire le show à ça, non, je ne suis pas d’accord. Pour ce que j’en ai vu, The Americans est une série bien ficelée, qui dévoile un couple d’espions tiraillés entre la vie qu’ils ont construit et leur loyauté envers leur pays, sur fond de guerre froide, de manipulations et de trahisons…

Alors oui, certains penseront que je m’enflamme un peu vite pour ce tout petit article, tandis que d’autres comprendront que GQ a voulu donner un peu de glamour à un personnage qui dans la série, s’habille plutôt sobrement. Mais que voulez-vous, peut-être est-ce la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ? Car j’ai beau être passionnée par les séries TV, il faut avouer qu’aujourd’hui, tout y est sexualisé, et souvent par le prisme des femmes. À croire que le succès d’une série se mesure au nombre de tétons apparaissant dans un épisode de 40 minutes…

Mais ça, c’est une autre histoire.

 Aurélie Corbin est Rédactrice Web spécialisée dans les séries TV et Chroniqueuse sur SmallThings.fr

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