La menace de viol, la nouvelle insulte à la mode

24 Déc
Jair Bolsonaro

Jair Bolsonaro

« Elle ne mérite pas d’être violée car elle est très laide. Ce n’est pas mon type. Je ne la violerai jamais ». Cette déclaration de Jair Bolsonato, un député brésilien à l’une de ses concurrentes politiques, le 10 décembre dernier, en dit long sur la culture du viol au Brésil, mais aussi dans le reste du monde. Cette attaque du député sous-entend que le viol serait un compliment en hommage à la beauté des personnes que les agresseurs violent. Les victimes ne seraient violées que parce qu’elles sont « désirables ». On confond bien sûr encore et toujours désir et déshumanisation. Un viol n’est pas le résultat du désir, il s’agit au contraire de considérer l’autre comme un objet, dont on pourrait disposer impunément. Violer, c’est nier l’autre et non le reconnaître.

De cette idée exprimée par ce député découle l’argumentaire qui veut culpabiliser les victimes qui « provoqueraient » les agresseurs par leur tenue ou leur beauté. Un discours qui n’a malheureusement rien de neuf. Lors de l’affaire DSK à New York en 2011, nombreux étaient les défenseurs de l’ex-directeur du FMI, accusé d’agression sexuelle, à s’étonner. «Il n’a pas pu la violer! Vous avez vu comme elle est laide ? » , entendait-on souvent. Des déclarations absurdes, surtout que DSK plaidait le rapport sexuel consenti , contrairement à Nafissatou Diallo.

Dans le documentaire Viol, elles se manifestent, rediffusé il y a quelques semaines sur France 2, des femmes témoignaient du calvaire qu’elles avaient subi. Dans leurs différentes histoires, une chose était frappante:  les violeurs avaient souvent la même rengaine.  Ils exprimaient leur haine des femmes, leur envie de détruire et de salir l’autre. Cher député Jair Bolsonaro, le viol n’est pas une ode aux femmes mais une volonté de les punir et d’humilier. Le viol est d’ailleurs une arme de guerre.

Aux États-Unis, d’autres déclarations de personnalités ont aussi défrayé la chronique ces derniers temps. Tout d’abord, Eminem au mois de novembre. Le rappeur s’était illustré par ses appels au viol. Déjà connu pour ses déclarations et chansons homophobes, il en a rajouté une couche. Il a menacé de frapper Lana Del Rey et de violer Iggy Azalea. Pourquoi ? Parce qu’il n’aime pas leur musique. Rien que ça. Dans une de ses chansons, il écrit ainsi: « Si je te laisse courir à côté de mon Humvee. A moins que tu ne sois Niki [Minaj ; ndlr] , je t’attrape par le poignet et on ira skier. Qu’est-ce que ça va donner ? Emmène ta merde loin de moi Iggy [Azalea, ndlr]. Tu ne veux pas me mettre ce viol sur le dos. Crie ! J’adore ça. Jusqu’à ce que je perde le contrôle en jouissant ».

Le 12 décembre dernier, une nouvelle polémique a secoué les médias américains. Au cœur du débat: Susan Patton, alias @theprincetonmom sur Twitter, une auteure à succès. Interrogée sur les viols sur les campus, elle a en effet tenu des propos déconcertants sur CNN, déclarant : « Se faire violer en état d’ébriété est une expérience d’apprentissage » . Avant d’ajouter : le viol est le plus souvent « un mélodrame qui provient d’une drague un peu maladroite ». Depuis, le débat a pris de l’ampleur. Ces remarques interviennent au moment où, dans les universités américaines, des jeunes femmes brisent les tabous et dénoncent les agressions dont elles sont victimes. L’une des plus emblématiques est Emma Sulkowicz, cette jeune étudiante de Columbia violée par un autre étudiant. La jeune femme porte sans cesse le matelas sur lequel le crime a eu lieu pour protester contre l’impunité de son bourreau. Aujourd’hui, on sait qu’en France une femme est violée toutes les sept minutes et que 83.000 viols ont lieu chaque année. Après ces récentes déclarations, force est de constater que le chemin risque d’être encore long pour que la honte change de camp.

Charlotte Lazimi

 

 

2 Réponses to “La menace de viol, la nouvelle insulte à la mode”

  1. plume décembre 25, 2014 à 9:39 #

    Qu’on en parle, qu’on en parle encore et encore. J’ai découvert Gisèle Halimi et ses combats pour les femmes (et surtout le procès d’Aix-en-Provence) il y a peu et je me rends compte chaque jour combien l’histoire des femmes semble en décalé avec l’histoire tout court.
    Eminem, énième symbole de la culture du viol, lui même père d’une fille, je me demande comment elle le prendra le jour ou elle découvrira les paroles de ses chansons.

  2. meg décembre 29, 2014 à 10:28 #

    Merci pour votre excellent texte. Dans le même registre j’ai trouvé ceci sur un blog du site lemonde.fr
     » chez les groupements antisémites en premier lieu, dont Jean Boissel se fait le porte-parole quand il affirme à l’été 1939 : « Cette loi, comme les trop belles femmes, est faite pour être violée » (Le Réveil du Peuple, juin-juillet 1939). »
    http://antiracisme.blog.lemonde.fr/2014/12/22/lantiracisme-et-la-tentation-de-la-censure/

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