Amer ministère

14 Mai
amer ministère najat vallaud belkacem

Najat Vallaud-Belkacem. Crédits Razak

Aujourd’hui, Najat Vallaud-Belkacem fête le premier anniversaire de son ministère. Il y a un an (re)naissait le Ministère des Droits des femmes, innovation du tout neuf gouvernement Ayrault, et, je dois bien l’avouer, je ne me suis pas réjouie de cette nouvelle en l’apprenant. Pour moi, ce ministère était un symbole d’un autre âge, un reliquat des années Mitterrand que j’avais étudié en cours d’histoire comme un grand progrès d’une époque révolue. En son temps, le Ministère des Droits de la femme, occupé par Yvette Roudy de 1981 à 1986, faisait suite au vaste mouvement pour la légalisation de l’IVG obtenue en 1975 ; il était le reflet des luttes féministes des années 70 ayant tant apporté aux femmes. Sous Giscard, Françoise Giroud avait d’ailleurs été la première secrétaire d’Etat à la condition féminine. Oui mais, l’année dernière, nous étions en 2012, et ces combats nous semblaient enterrés : pourquoi donc ressusciter un tel vestige ?

Recréer un ministère des droits des femmes, c’était avant tout un constat d’échec : la preuve que depuis les années 80, peu de choses avaient avancé. Pas assez en tout cas pour se passer d’un ministère dédié aux droits des femmes. C’était le constat que, comme en 1981, tout restait à faire pour l’égalité hommes-femmes, tant celle-ci semble encore hors d’atteinte aujourd’hui. Et puis, en créant un ministère propre à ces questions, ne risquait-on pas de les marginaliser ? Ne fallait-il pas lutter contre le sexisme au sein de tous les ministères ?

Pourtant, les associations féministes avaient l’air de bien accueillir l’apparition de cette entité. Les médias aussi, d’autant que la Ministre, Najat Vallaud-Belkacem, était la révélation de la campagne du candidat François Hollande.

Et puis, l’air du temps était favorable au féminisme. L’année précédente, l’affaire DSK avait réveillé les passions françaises autour des violences sexistes, et nous avions assisté à une prise de conscience collective face à ce grave problème. Les débats s’étaient multipliés, et, fait nouveau, la jeunesse s’en était emparée. C’est dans ce contexte que le ministère est né, et aujourd’hui, je mesure pleinement son utilité. Même si son apparition est le signe que rien n’est gagné, mieux vaut voir les choses en face que de garder la tête dans le sable. Finalement, on revient toujours au même dilemme quand il s’agit de discrimination positive : vaut-il mieux miser sur l’égalité stricte et ne favoriser aucune frange de la population au risque de la stigmatiser, ou vaut-il mieux admettre qu’il y a un problème pour mieux le régler ? Clairement le ministère de Najat Vallaud-Belkacem va dans ce sens. D’où l’approbation des militant(e)s féministes qui y voient enfin un levier concret et un soutien politique pour mener à bien leurs actions. Egalité salariale, violences faites aux femmes, répartition des tâches domestiques, plafond de verre, quotas dans les conseils d’administration, temps partiel, parité en politique, harcèlement de rue ou tout simplement sexisme ordinaire… les combats restent nombreux en 2013.

Par ailleurs, le ministère arrive à une époque où le mouvement féministe renaît de ses cendres, portées par une troisième génération bien décidée à reprendre le flambeau laissé de côté par ses aînées. En ce sens, Najat Vallaud-Belkacem incarne parfaitement ce nouveau visage féministe, et le choix d’avoir placé la benjamine du gouvernement à ce poste se révèle judicieux pour dépoussiérer l’image du mouvement. Bien sûr, ses détracteurs ne manqueront pas de souligner qu’elle manque de moyens pour mener une politique d’envergure. Personne n’est dupe : un ministère ne pourra pas lutter seul contre les discriminations faites aux femmes, et, sans réelle volonté politique du gouvernement et du parlement, rien n’avancera. Rien n’avancera non plus sans l’appui de la société civile, du milieu associatif, et des cercles de pouvoir, aussi bien politiques qu’économiques. Toutefois, un an après sa création, j’ai revu ma position sur ce ministère ressuscité. La loi contre le harcèlement sexuel, malgré ses couacs, a été un premier acte fort, qui devrait être suivi bientôt d’un projet de loi sur les droits des femmes (notamment sur l’égalité professionnelle). Sans une équipe dédiée entièrement à ces questions, peut-être que ces lois n’auraient pas vu le jour. Surtout, l’existence de ce ministère nous rappelle que la conquête pour les droits des femmes est loin d’être terminée, et qu’elle est heureusement remise au goût du jour.

Myriam Levain

2 Réponses to “Amer ministère”

  1. Gentleman W Mai 14, 2013 à 12:57 #

    Vous savez nous redonner le bon contexte des choses, bravo.

    Et oui, il paraît triste de devoir encore en 2013 avoir un ministère pour défendre les femmes, mais les avancées depuis les années 70-80 souffrent de lenteur, et plus encore avec la vision de la femme partagée par certaines religions en croissance. Mais le plus grand ralentisseur reste ce « soi-disant » héritage si masculin dans leur rapport à la vie courante et la position de leurs compagnes, leurs mères, leurs filles, leurs collègues. Ils se satisfont de vieilles routines qu’il faudra un jour changer par la force si besoin.

    Alors pour cela, il nous faut une ministre dynamique comme NVB.

  2. Prose Mai 15, 2013 à 8:56 #

    La loi contre le harcèlement sexuel, une réussite ? Au contraire ça a été géré n’importe comment ! Et les conséquences pour plein de victimes n’en finissent pas de me donner la nausée.
    http://www.lejdd.fr/Societe/Justice/Actualite/Harcelement-sexuel-pourquoi-la-France-pourrait-etre-condamnee-604544
    http://www.lejdd.fr/Societe/Justice/Actualite/Harcelement-sexuel-Cet-homme-n-avait-pas-le-droit-de-me-toucher-604363

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