Florence Foresti est une martienne

Crédits cc Marie Astier

On savait depuis longtemps qu’elle était féministe, Florence Foresti. Elle ne s’en est jamais cachée et ses spectacles sont aussi efficaces que n’importe quel tract. Grâce à elle et son Motherfucker, une génération de jeunes mères peut maintenant faire des blagues sur l’accouchement et ne plus culpabiliser en avouant qu’être maman, ce n’est pas tous les jours le plus beau métier du monde. Mais en participant à la Master classe de France 4 enregistrée à l’occasion du 8 mars, elle a montré que ses convictions ne se résumaient pas à quelques bons mots: Florence Foresti est une martienne, une vraie.

Nous avons assisté, tout comme Olympe,  au tournage de l’émission qui sera diffusée demain soir à 20h45, et à laquelle participaient également l’intellectuelle Benoîte Groult, la présidente du Medef Laurence Parisot et la chef d’orchestre Zahia Ziouani. Pour avoir regardé un certain nombre d’émissions sur le sujet, il faut bien reconnaître que la présence de Florence Foresti apporte un grand bol d’air à ce type de programme. Non que les trois autres soient ennuyeuses, loin de là: Benoîte Groult, qu’on ne présente plus, restera toujours pour nous un modèle exceptionnel de femme engagée. Quant à Laurence Parisot et Zahia Ziouani, elles ont toutes deux réussi à s’imposer dans des milieux professionnels masculins voire misogynes, et leur témoignage s’avère passionnant. Mais si Florence Foresti a retenu notre attention, c’est qu’il est très rare en France d’entendre des people se revendiquer féministes. Nous avons tous en tête la récente sortie de Carla Bruni dans Vogue, qui a fait bondir Osez le féminisme et Twitter. Quelques jours plus tard, Maïwenn, pourtant très engagée sur la cause de femmes, affirmait à son tour qu’elle n’était pas féministe. Il est donc rassurant de voir qu’une personnalité aussi populaire que Florence Foresti n’a pas de problème à le dire. D’ailleurs, elle n’a cessé de le répéter pendant la promo de Foresti Party cet hiver: que ce soit au micro de Pascale Clark sur France Inter où elle évoque (à la 43ème minute) les cours de féminisme qu’elle donne aux copines de sa fille à la maternelle. Ou encore dans une interview au magazine ELLE où elle déclare “je suis une féministe dans l’âme”.

Sa participation à la Master Classe de France 4 n’a donc rien de surprenant, mais la durée de l’émission et la qualité des autres invitées lui permettent de dévoiler une facette très engagée. Et si la diffusion de certains de ses sketches offrent des respirations à un programme de pur débat, ils permettent surtout d’illustrer de façon légère des problématiques qui le sont moins, comme la transmission de stéréotypes à travers les jouets ou la dictature de l’apparence à laquelle sont tant soumises les femmes. Quant au rythme épuisant auquel sont astreintes les mères de famille, rien de tel qu’une parodie de Bref pour comprendre que personne n’est épargné.
Florence Foresti revient d’ailleurs sur sa propre expérience de la maternité, une source d’inspiration pour ses shows et un évènement qui l’a aidée à surmonter certaines angoisses: “C’est un défi toujours difficile pour les femmes de ne pas passer à côté de l‘éducation et à la fois ne pas passer à côté de sa carrière et de son épanouissement personnel […] oui, les femmes sont potentiellement des mères, il faut décider que ce n’est pas un handicap pour la vie professionnelle mais que ça peut être une force”. Comme Laurence Parisot, elle défend une meilleure répartition des tâches ménagères, secret de l’égalité entre les sexes: “Le nerf de la guerre c’est de traiter la paternité comme la maternité. Je ne vois pas pourquoi ce serait à la mère d’être là quand un enfant est malade, un père peut et doit aussi le faire, et il prendra du plaisir à le faire.”

Au-delà de sa vie perso, Florence Foresti n’hésite pas à balancer les remarques sexistes qu’elle a dû essuyer et regrette que, encore aujourd’hui, les femmes aient parfois du mal à s’imposer dans le boulot. “L’autorité, c’est mal perçu chez une femme. Je l’entends beaucoup dans mon milieu, notamment dans le cinéma: lorsqu’une femme a des exigences, est déterminée, est un peu sûre de ce qu’elle veut, elle passe forcément pour une chieuse ou une hystérique.” Mais pour elle, les obstacles peuvent se transformer en tremplin, à condition d’être persévérante comme elle a su l’être. “Toutes ces barrières qu’on peut ressentir, ces résistances à notre développement, ça nous donne aussi, et il faut s’en servir, peut-être plus d’audace, d’initiative et de combativité. C’est un bien pour un mal, un mal pour un bien mais tous les obstacles que vont rencontrer les jeunes femmes pour leur développement professionnel, il faut que ça se transforme en énergie créatrice.”

Derrière la star, il y a donc une féministe qui s’assume, et qui se sert de sa position privilégiée pour faire passer des messages. C’est réconfortant de voir qu’à tous les niveaux, chacun(e) d’entre nous peut jouer un rôle dans ce combat contre les stéréotypes. Si Florence Foresti le fait, pourquoi pas nous?

Myriam Levain