Sexiste, Hollywood ?

11 Jan
Sexistes, les oscars?

Crédits cc Flickr / ebbandflowphotography

Dans un mois, aura lieu la 85ème cérémonie des Oscars à Los Angeles. Mais une fois de plus, le tapis rouge sera majoritairement foulé par des hommes. Les nominations sont tombées hier, et le casting laisse sans voix. Zéro femme dans la catégorie « Réalisation » ou « Scénario », une seule dans la catégorie « Meilleur film »: Kathryn Bigelow, qui n’a même pas été retenue dans les cinq réalisateurs finalistes.

Rappelons qu’elle reste la première et la seule femme à avoir obtenu la récompense ultime à Hollywood : l’oscar de la meilleure réalisation, décroché en 2010. De quoi faire des jaloux… et des critiques. En novembre dernier, l’écrivain Breat Easton Ellis lâchait :« Kathryn Bigelow serait considérée comme un metteur en scène légèrement intéressant si elle était un homme, mais comme c’est une femme canon, elle est vraiment surestimée ». Bim. Gratuit. Mais finalement pas si étonnant dans un milieu étrangement hermétique aux femmes. Hormis les comédiennes qui sont nombreuses et visibles (en dessous de quarante ans), les chiffres ne sont pas glorieux dès qu’on passe à d’autres métiers, comme l’a dénoncé Meryl Streep l’été dernier à l’occasion de la cérémonie Women in Film. Dans son discours, la star s’est insurgée contre cette surreprésention masculine en donnant quelques statistiques: « 7 à 10% des producteurs, scénaristes, et chefs opérateurs sont des femmes ».  Difficile, même en 2013, de faire sortir les femmes de la case « comédiennes », si possible glamour et en quête d’un homme, quel que soit le scénario. La dernière sélection cannoise avait d’ailleurs suscité une polémique en brillant par l’absence totale de femmes en compétition.

A l’image d’autres médias, le cinéma reste prisonnier de puissants stéréotypes concernant la répartition des rôles à l’écran. Une injustice qui a d’ailleurs poussé l’actrice Geena Davis à créer sa fondation en 2004 : le Geena Davis Institute on gender in media se bat pour faire prendre conscience des clichés véhiculés dans les fictions télé, et particulièrement dans les programmes jeunesse. « Plus une fille regarde la télé, moins elle croit qu’elle a d’options dans la vie », a récemment déploré Geena Davis. Mère au foyer, faire-valoir sexy voire simple figurante muette, les femmes sont nombreuses à l’écran mais nettement moins mises en valeur que les hommes.Pourtant elles sont de plus en plus bankables et pourraient s’attirer davantage les faveurs des producteurs. Notamment depuis que  Mes meilleures amies  a prouvé qu’on pouvait battre des records au box-office avec un casting féminin et un scénario « de filles ».

Le frémissement est également perceptible au sein des blockbusters : des films tels que  Hunger Games ont cartonné alors que les protagonistes étaient des femmes. De là à prédire un retour du féminisme à Hollywood, il n’y a qu’un pas. La jeune génération de comédiennes est d’ailleurs assez enthousiasmante et cache de moins en moins sa prétention à exister autrement qu’en tant que bombasse de service. La chouchoute des Oscars Jennifer Lawrence déclare ainsi à longueur d’interviews qu’elle est obèse selon les critères d’Hollywood mais qu’elle ne s’affamera jamais pour un rôle. Scarlett Johansson, elle, balance en conférence de presse qu’elle préférerait être interviewée sur la psychologie de son personnage plutôt que sur ses régimes. Quant à Zooey Deschanel, elle n’hésite pas à affirmer : « I’m a fucking feminist » et à montrer son exaspération quand on lui parle de son désir d’enfant, sujet qu’on n’aborde jamais avec Georges Clooney selon elle. Petit à petit, une poignée de stars s’affranchissent du diktat de la taille zéro, marchant dans les pas de Kate Winslet, qui a longtemps fait figure de rebelle sur ce terrain-là.

D’après Catherine Deneuve, la pression est moins forte pour les comédiennes de l’Hexagone, et tant mieux. Mais ne nous réjouissons pas trop vite, les nominations aux Césars ne sont pas encore tombées, et le cinéma français est loin d’être le meilleur élève dans le domaine. Un indice encourageant, malgré tout: en 2012, l’acteur le plus populaire auprès des Français était une actrice, dénommée Géraldine Nakache. Une jeune femme réalisatrice et scénariste, pas vraiment connue pour des rôles de potiche en tant qu’actrice. Ouf.

Myriam Levain

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